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Ateliers atypiques #3 | Architectes sans frontières

Par Le 10/12/2018

Architecture et urbanisme entre plusieurs pays... D'une rive à l'autre, entre deux pays dont la France, ces architectes ont chacune forgé leur carrière selon une double culture. C'est cette expérience internationale, entre plusieurs pays, qui les rassemble.

A travers ce volet # 3 de nos interviews, retrouvez Sandra Tchinianga, architecte-urbaniste, initiatrice de PlanAfrika au Congo, ainsi que Claudia Dias, architecte franco-portugaise à l'origine du projet dias3a. Toutes deux éprises d'une double culture de l'urbanisme, porteuses d'une envie de faire bouger les lignes d'horizons, elles présentent leurs ateliers et leurs approches lumineuses du projet architectural et urbain.

Sandra Tchinianga photo Ateliers atypiques

PlanAfrika

Sandra Tchinianga - Architecte DPLG

 [Actrice de la planification stratégique au Congo]

Photographie : NJL Photo Studio

Photo Claudia Dias_Ateliers Atypiques

dias3a

Claudia Dias - Architecte-urbaniste

[Architecte entre Portugal et France]

Atypique ou typique, votre parcours ? En quelques mots, vos cheminements professionnel et personnel avant l'agence ?

En préambule, on aimerait simplement que vous vous présentiez, vous, créatrice de votre atelier.

Ma démarche est d'autant plus atypique que je veux mettre en pratique en Afrique ce que 3 écoles d'architecture françaises m'ont appris.

Un vrai challenge sachant que les concepts défendus sont peu usités et très novateurs ici, à Pointe-Noire, capitale économique du Congo, où je suis établie en tant qu'architecte et actrice de la planification de la ville.

Issue d’une famille de la classe moyenne, j’ai eu une enfance heureuse. Cependant, j’ai été interpellée dès mon jeune âge, au Gabon, par le dénuement de certains de mes compatriotes malgré les nombreuses matières premières dont regorge ce pays sous-peuplé (pétrole, bois exotiques, manganèse, uranium…).

Je suis Française par ma mère. Je suis née et j'ai passé mon enfance et le début de mon adolescence en Afrique avant de rejoindre la France.

Née au Gabon d'un père Gabonais et d'une mère Martiniquaise, j'ai voulu être architecte depuis la classe de 5ème. C'était la meilleure manière de concilier ma passion pour l'exercice du dessin, les activités manuelles et la physique. Mes études primaires et secondaires se sont déroulées d'abord au Gabon, puis en France métropolitaine et enfin à la Martinique.

Par la suite, j'ai effectué : mon premier cycle d'études en architecture à Montpellier (architecture constructiviste), le 2ème cycle à Rennes (architecture conceptuelle) et le 3ème cycle à Paris (spécialisation développement durable et urbanisation du Tiers Monde).

Tout en m'attelant, dans mes réalisations en école, à des travaux tant sur la France que sur le devenir de l'Afrique. Je suis donc issue d'une culture hybride et mon exercice professionnel en est le fruit.

L’atelier dias3a se distingue par l’ensemble des défis qui ont façonné mon parcours de 20 années que je partage avec vous aujourd’hui.

Ce parcours peut se dire atypique car il est marqué par des événements économiques, sociaux et politiques qui ont bouleversé l’histoire du Portugal. Née en 1974, année de la fin de la dictature au Portugal, je suis l’enfant de la première république démocratique…tout a été á construire ! L’imagination, la sensibilité, la soif de découverte, de culture ainsi que les aptitudes pour le dessin ont guidé mon choix d’une formation d’architecte.

D’autres événements dessinent ce parcours atypique car ma promotion a été la première classe diplômée par l’Université de Lisbonne dans la thématique Architecture de la Planification Urbaine et Territoriale. Un diplôme créé en 1992, très innovant, au moment même où le Portugal assume la présidence de la Communauté Européenne… tout a été á construire ! En 1996, avec le traité de Schengen et l’ouverture des frontières européennes, un nouveau défi trace mon avenir : la restructuration en profondeur de notre diplôme afin qu’il puisse être reconnu en Europe… tout a été á construire ! Pendant les cinq premières années au Portugal je me forge une expérience au travers de missions, en collaborant avec des agences d’architecture, des bureaux d’ingénierie pour la direction de travaux. Je travaille également en collaboration avec la mairie de Sintra pour des projets d’urbanisme et d’aménagements urbains, ainsi qu'avec l’entreprise de construction en charge de la réalisation d’un projet signé SIZA VIEIRA, l'un des noms contemporains de l'architecture au Portugal. En 2003, une opportunité me permet de travailler en France au sein  de deux grands groupes d’ingénierie, où j’ai exercé pendant 15 ans le métier d’architecte des transports et acquis une expérience en France et á l’international (Israël, Birmanie, Sénégal, Bangladesh, Éthiopie, etc).

Sous mon impulsion en tant qu'architecte-urbaniste, trois architectes, Portugais et Français avec des parcours différents, des sensibilités complémentaires, des expériences techniques reconnues, se sont rassemblés cette année en dias3a. La rencontre avec mes deux associés a été une révélation professionnelle partagée car marquée par des valeurs façonnées par les époques que chacun a pu vivre et traverser : la révolution des œillets pour moi, le coté inventeur et globe-trotter pour un autre et enfin l’époque du numérique, de l’environnement et le sens de l’entrepreneuriat, qui caractérisent le troisième.

Atypique, votre atelier ?

Le temps est maintenant venu de présenter votre agence & l'activité atypique que vous portez au jour le jour.

Atypique, ma démarche l'est. Mon atelier aussi. PlanAfrika partage son expertise et ses découvertes dans l'architecture, l'autoconstruction et s'intéresse de près aux différentes actions sociales qui permettent de lutter contre le chômage et la pauvreté. Mon activité se veut novatrice, en approchant des thématiques qui toutes ensemble, contribuent non seulement à interpeler les pouvoirs publics sur la situation des villes africaines, mais également à construire une urbanisation sur de nouvelles bases.

Mon objectif à long terme est donc de :

  • Pouvoir travailler avec les couches les plus nécessiteuses d’une population qui se paupérise dans les mégalopoles africaines (avec l'appui des autorités, de la société civile et de bailleurs de fonds) pour la mise en place de projets participatifs.

  • Répondre aux difficultés qui règnent dans les villes africaines causées par une mauvaise gouvernance.

  • Etre une ambassadrice de la "French touch" au Congo dans le domaine de l'architecture et de l'urbanisme.

L’approche atypique de l’atelier se caractérise par la synergie de plusieurs compétences qui se complètent dans un geste unique, garant de la conception de la ville de demain.

Urbanisme, aménagement, architecture, construction, environnement, mobilité, nouvelles technologies, méthodes et gestion des interfaces, ainsi que sens pédagogique se retrouvent dans ce savoir-faire. Nos équipes ont une très bonne connaissance du terrain, du monde des décideurs et des techniciens. Nos réalisations se nourrissent de l’expérience de nos projets dans des pays différents, des complexités techniques, de la richesse et de la culture des lieux d’implantation, de la mixité des thématiques et de la multiplicité des intervenants.

Nous avons travaillé en Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique…tant de réalités et des problématiques différentes, de langages et de codes que nos clients disent immuables, d’expectatives et d'attentes qui semblent intangibles… dias3a travaille à élargir les sentiers battus et à rassurer les clients pour dire que oui c’est possible !

D'où est venue l'idée ? Quelles ont été les inspirations, l'élément clé qui vous a amenées à vous lancer ?

L'origine du projet, s'il y a eu un événement de vie ou un 'tilt' d'où tout est parti.

L'idée de PlanAfrika provient tout simplement de mon parcours. Il y a de nombreuses étapes, dans mon cursus, qui m'ont amenée jusqu'à la création de ma propre activité :

  • J'ai effectué mon stage de fin d'études à Dakar où j'ai travaillé pendant 6 mois sur la restructuration et la rénovation urbaine d'un bidonville au sein du RUP (Relais Urbain Participé) d'ENDA TIERS MONDE.

  • J'en ai fait mon sujet de diplôme grâce à toutes les informations et les documents collectés sur place. J'ai été honorée des félicitations du jury.

  • J'ai ensuite travaillé 5 ans en Ile-de-France puis j'ai rejoint mon époux au Congo-Brazzaville.

  • J'ai participé au Programme Participatif d'Amélioration des Bidonvilles d'ONU HABITAT en tant que consultante sur 2 quartiers à Pointe-Noire, en République du Congo.

  • Ce qui m'a motivée à travailler à mon compte c'est la crise économique actuelle au Congo qui est un véritable catalyseur pour la création d'entreprise.

20 ans se sont écoulés depuis le début de mes études d'architecture. Le nom Planafrika a été trouvé par ma fille aînée quand elle avait 6 ans. Cela résume ce à quoi je désire contribuer : planifier l'Afrique. Ce que je considère comme une mission et une vocation commence enfin à éclore et vous en êtes le témoin !

Logo planafrika

L'idée est venue de la rencontre de trois architectes avec des parcours différents, qui partagent la volonté d’approcher les projets de façon globale et personnalisée. À l’unisson. Une approche qui ne se fait pas par silos thématiques mais plutôt transversalement. dias3a apporte des réponses et du conseil à la hauteur de la demande, des exigences ou des besoins grandissants des projets dans un environnement en constante et rapide évolution, où l’approche globale, multidisciplinaire et la maîtrise technique apportent une véritable expertise.

Certaines missions ont été plus marquantes que d’autres. Je pense à deux réalités distinctes qui contribuèrent à cette envie de créer dias3a en ayant comme objectif « le faire autrement et de façon ciblée » (comme dans les technologies de pointe !).

La première se caractérise par le besoin affiché dans notre actualité de toujours innover…dias3a cherche à faire redécouvrir l’importance de la simplicité, de l’échelle humaine et de la prise en compte des choses dites essentielles.

La deuxième, très ancrée, due à notre expérience en Inde, à Mandalay, Dakar, Addis-Abeba et Dacca, se caractérise par cette prise de conscience des réalités dépassées par les aspects sociétaux, économiques et politiques. Une réalité parfois perçue comme sans issue, où l’action et le savoir-faire de dias3a, peuvent et offrent des outils et des connaissances qui permettent aux locaux, aux techniciens et aux décideurs d’agir, d’évoluer, de construire et de planifier.

dias3a parce ce que mon nom porte une signification : «dias» si vous le lisez comme un mot portugais, signifie «jours» en français. 

Des nouveaux «dias» pour trois architectes qui souhaitent encore donner d’eux-mêmes pour un futur à construire.

Logo dias3a

Quelles sont les convictions que vous défendez ?

Les concepts clés qui vous tiennent à coeur, et pourquoi ces éléments méritent selon vous d'être au coeur de l'approche urbaine.

En quelques mots clés :

Architecture bioclimatique

Aide à l'autoconstruction 

Développement durable

Projets participatifs

Urbanisme


Je me suis spécialisée en développement durable en 5ème année à Paris-La Villette car je suis une amoureuse du vivant et j'ai trouvé le concept et la mise en oeuvre des projets dans ce cadre innovants et prometteurs.

Pareil pour l'architecture bioclimatique que j'ai découverte dès ma 1ère année à l'Ecole d'Architecture du Languedoc-Roussillon (Montpellier). J'ai fait la rencontre d'un architecte anarchiste lors d'un voyage d'étude dans le sud de la France et le discours de cet homme m'a beaucoup marquée. Il portait en lui les concepts de l'architecture des années 70 prônant le respect de la nature et une intégration parfaite du projet dans son milieu naturel, ainsi que l'utilisation de matériaux de récupération pour la construction, la conception de logements d'urgence à moindre coût...il avait bâti sa maison de ses propres mains en créant des formes organiques grâce au béton projeté, il était autonome du point de vue énergétique et récupérait l'eau de pluie... Autant de pratiques qui m'ont puissamment influencée. Au Congo, je suis un précurseur sur ces sujets. J'ai par contre vu la réalisation d'une femme ingénieure et entrepreneur au Cameroun qui a réalisé un écoquartier.

Du point de vue de l'autoconstruction, les trois quarts d'une ville en Afrique subsaharienne en sont issus. Mon slogan par conséquent est : "Construire des villes avec leurs habitants". Le projet d'autoconstruction souvent non encadré peut avoir des conséquences désastreuses sur son environnement ou sur les conditions de vie au niveau local.

En ce qui concerne la notion de projet participatif, les mentalités sont assez figées et il est nécessaire de concevoir le projet en amont avec les futurs usagers (logements, équipements...) pour ne pas subir un échec. Il faut également pour la pérennisation du projet que les futurs usagers se l'approprient, s'impliquent et participent à sa réalisation.

Les convictions qui nous animent se résument dans les valeurs premières du métier d'architecte, consistant à inventer et à construire le " mieux vivre " pour tous, plaçant l'humain au coeur de l'action.

En quelques mots clés :

Haute Qualité Environnementale – Autonomie Énergétique – Utilisation des ressources- Nouvelles technologies

Arts, Métiers – Traditionnel – Systèmes constructifs

Architectes spécialisés – Partenariats - Ensemblier

Urbanisme – Planification – Mobilité-Requalification

Conception – Réalisation – Accompagnement

Nous valorisons un travail d’accompagnement et de liaison avec l’ensemble des acteurs, dans une écoute des personnes à qui se destine le projet, une compréhension des enjeux et une adaptation permanente aux langages et aux codes locaux. Les problématiques environnementales, socioculturelles, géopolitiques et technologiques nous interpellent et nous engagent sur le rôle et la place du métier de l’architecte qui impulse et agrège la fabrique du quotidien et de la ville de demain.

J’ai été marquée essentiellement par la dureté, par le niveau d’exigence et par l’urgence des besoins en termes d’architecture, d’urbanisme et de mobilité dans les villes en développement comme Addis-Abeba, Dacca, Mandalay ou Dakar. Dans un seul projet, les trois thématiques étaient abordées et il fallait être apte a discuter avec la population, les techniciens, les militaires, les religieux, les politiques, les étudiants, les «chefs de terrain». Comme femme de 40 ans, blanche et architecte, je ne pouvais pas me rendre sur certains sites pour développer les projets. On m'a parfois faite accompagner par des gardes du corps (!) et encore davantage par des locaux qui sont devenus des amis, car d’une gentillesse et d'une amabilité et d'un sens de l’humain hors-norme. Avec eux, j’ai pu témoigner de la VIE : de leur vie et de leurs regards pour lesquels et avec lesquels j’ai pris mon engagement comme personne et comme professionnelle du métier d’architecte.

Le point d’innovation dans nos projets c’est la richesse de notre savoir-faire mais au-delà de ça, c’est notre capacité à le porter de façon claire et le maîtriser tout en gardant un regard simple.

Les projets sur lesquels vous apportez votre expertise et innovez ?

À ce moment de l'entretien, il est temps de dégainer vos réalisations !

Afin d'évoquer un élément emblématique de mes réalisations, j'aimerais vous parler d'un projet alliant amélioration de l'habitat, rénovation urbaine et développement durable en Afrique.

KHADIM RASSOUL, UN QUARTIER DIT SPONTANE À DAKAR AU SENEGAL

Ma démarche était intégrée dans un processus de développement durable et d’élaboration d’une architecture bioclimatique, au regard de mes précédents travaux théoriques (mémoires de 4ème et 5ème année dont ce projet était l’aboutissement pratique dans un cadre spécifique) intitulés respectivement :

  • « L'habitat peut-il être un facteur de développement à Antananarivo (Madagascar) ? » année universitaire 2001 / 2002.
  • « Habitat spontané et développement durable, quelles stratégies pour les plus pauvres en Afrique Sub Saharienne ? » année universitaire 2002 / 2003.

En effet, tous ces documents m'ont aidée à tenter de répondre à une question que je me suis posée bien avant d’intégrer les études d’architecture :

« Comment garantir à des personnes apparemment démunies l’accès aux besoins les plus fondamentaux ? »

Pour cela, une première expérience professionnelle dans le cadre d’un processus de développement me semblait nécessaire.

Situé au carrefour entre 3 tissus urbains différents, ce bidonville était considéré comme un lieu indésirable en plein centre-ville de Dakar, (capitale du Sénégal) car objet de toutes sortes de trafics (délinquance,  prostitution...).

Il se situe dans un tissu urbain hétérogène constitué de friches industrielles, d'immeubles d'habitation et d'habitats spontanés.

Sandra tchinianga site d un projetSandra tchinianga croquis d un projet

Sandra tchinianga maquette de projet

Aménagement pour le Quartier Khadim Rassol à Dakar au Sénégal, conçu et proposé par Sandra Tchinianga

Sur les aspects de l’organisation de la ville, de la mobilité, des nouvelles formes urbaines et des exigences environnementales, l’expertise de notre agence se traduit au travers d’une expérience en France et à l’international. Des exigences liées au réglementaire, aux formes de financements, aux conditions géographiques, topographiques, aux nouvelles méthodes constructives, aux défis environnementaux, aux conditions climatiques et aux réponses à apporter sur les formes urbaines et les densités. Une expertise où la connaissance des réponses en mobilité à court, moyen et long terme, deviennent l’outil de recomposition de la ville.

N2M / MONTÉLIMAR / CONSTRUCTION D'UN BÂTIMENT D'ACTIVITÉS À ÉNERGIE POSITIVE

Ce projet, porté par Gérard Chaussignand, architecte de notre équipe, consiste en la réalisation d’un bâtiment pilote en production d’énergie qui sera construit dans la zone sud de Montélimar et qui accueillera le Laboratoire des énergies du Sud Rhône-Alpes.

Agc concept_dias3a_N2M Montélimar

MONTÉLISUD - CONSTRUCTION D'UN PÔLE D'ENTREPRISE / SCI MONTELISUD / MONTÉLIMAR

Avec un positionnement stratégique, sur la zone sud de Montélimar, Montélisud est un immeuble d’affaires très bien placé. Méthode de construction métallique avec offre de surfaces modulables. 

Montelisud_AGC Concept_dias3a

PROJET DE DEVELOPPEMENT DE VILLE SOUTENABLE A MANDALAY EN COHERENCE AVEC UN PLAN GLOBAL DE TRANSPORT

Projet d’extension d’une ville dans le sud-est asiatique sur la base d’un transport public maillé qui devient la nouvelle trame urbaine sur laquelle les développements urbains vont s’organiser.

La nouvelle trame viaire vient faire la couture entre le centre historique au Nord et de récents développements urbains au sud du territoire. Cette dernière va densifier la partie du cœur de la ville afin d’éviter un étalement urbain anarchique sur les zones agricoles à préserver.

Urban haute couture

Le mot de la fin, l'élément que vous aimeriez transmettre par votre activité ?

L'élément à retenir de votre entretien. On vous laisse carte blanche.

J'aimerais intéresser les jeunes professionnels aux problématiques des villes africaines pour qu'ils puissent réaliser les enjeux futurs, qu'ils aient envie de s'impliquer, que cet entretien soit le reflet de la réalité africaine qui viendrait casser tous les fausses idées et les fantasmes véhiculés par les médias occidentaux.

Mon "mot de la fin" est un plaidoyer pour des villes conçues avec des professionnels en Afrique subsaharienne.

L'Afrique est un continent en devenir où dans certains pays il y a tout à bâtir. L'enjeu est que d'ici 2050 la population du continent avoisinera 2.5 milliards d'habitants d'après certaines prévisions. C'est un continent jeune et riche mais dont l'épanouissement et le développement sont ternis par une mauvaise gouvernance et donc par des problématiques qui iront en s'aggravant si les solutions ne sont pas envisagées avant.

Les conséquences catastrophiques que sont l'immigration clandestine et l'exode des migrants économiques ont des causes bien réelles lorsque l'on sait que la corruption endémique sévit au détriment des populations. Il y a des ressources mais elles sont mal réparties et si ces personnes veulent gagner l'Europe au risque de leur vie, c'est que bien souvent elles cherchent à s'évader d'établissements humains de plus en plus oppressants et désespérants que représentent nos mégalopoles. Force est de constater que ces migrants sont issus de villes bien souvent surpeuplées dans des pays à la croissance démographique importante.

Ce qui en découle ce sont des villes saturées, mal organisées à la croissance non maîtrisée; des quartiers périphériques sous-équipés et qui se construisent de plus en plus loin du centre-ville à cause d'une spéculation foncière galopante, sans aucune politique de décentralisation; c'est une mortalité élevée à cause entre autres, du manque d'un système d'assainissement collectif (limité à l'ancienne ville coloniale bien souvent); les problèmes d'érosion et d'inondations, et au-delà de ça, l'absence d'une planification efficace qui empêcherait les habitants de s'établir dans des zones non constructibles; c'est l'établissement d'activités informelles qui ternissent l'aspect de nos villes mais qui permettent à une population laissée pour compte d'assurer sa subsistance; c'est l'achat de terrains réservés au domaine public par des acquéreurs peu scrupuleux, spoliant ainsi l'établissement d'équipements collectifs indispensables dans certains quartiers; ce sont les ponts en dalot absents et les voies non bitumées qui deviennent une cause d'enclavement dans beaucoup de quartiers surtout en saison de pluie; c'est une pauvreté endémique qui suscite la recrudescence d'une violence urbaine à laquelle la force publique répond par des exécutions sans sommation; ce sont des coupures d'électricité répétitives, l'absence d'eau potable fréquente et la nécessité de la puiser aux forages, ce qui en augmente la pénibilité à cause des conditions dans lesquelles cette eau est transportée...

Et la liste est non exhaustive ! Il me parait donc urgent d'informer, de sensibiliser pour pousser les décideurs locaux à l'action car la solution est d'abord dans nos villes et avec les populations concernées.

Je fais partie de ces intellectuels hybrides de la 2ème ou 3ème génération d'africains qui ont été formés à l'étranger, qui ont fait partie de la diaspora mais qui ont décidé de revenir au continent pour le construire. Forts de ce contraste et de notre attachement à nos valeurs intrinsèques, faisant partie de la génération qui n'a pas bénéficié du miracle économique post indépendance des années 70 et 80 qu'ont connu nos parents, nous sommes face à de nouveaux défis auxquels il  faut répondre par de nouveaux outils adaptables au contexte de chaque pays.

Je finirais enfin par ce mot de Christian Bénimana, architecte Rwandais formé à Shanghai :

"[...] l'architecture et le design ont le pouvoir et l'agence pour résoudre des problèmes complexes. Mais plus encore, nous pouvons développer un modèle de solutions efficaces pour nos communautés. [...] Nous avons besoin de toute une communauté d'architectes et de designers africains [...]

La croissance sans précédent de l'Afrique ne peut être ignorée. Imaginez les villes futures de l'Afrique, mais pas comme de vastes bidonvilles, mais comme les lieux les plus résilients et les plus inclusifs sur la planète. C'est réalisable. Et nous avons le talent pour en faire une réalité. Mais le voyage à préparer ce talent pour la tâche à venir, comme mon propre voyage, est beaucoup trop long. Pour la prochaine génération de leaders créatifs africains, nous devons raccourcir et rationaliser ce voyage. Mais le plus important - et je ne peux pas le souligner assez - nous devons renforcer leur confiance dans le design et leur donner les moyens de développer des solutions vraiment africaines mais globalement inspirantes."

Le métier que nous exerçons et les compétences que nous avons regroupées, nous permettent d’être un acteur au cœur des décisions.

Les éléments qui nous inspirent dans la pratique de notre métier se résument au maintien du partage des valeurs humanistes et dans notre constante remise en question nécessaire face aux défis et à l’évolution rapide de notre société dans un monde en ébullition. L'humain est au centre de nos projets. Créer des lieux de vie et de bien-être en valorisant sites et patrimoines, tel est notre challenge. Le beau, la prise en compte des sens ainsi que la simplicité dans l’organisation fonctionnelle des projets sont aussi au cœur de nos préoccupations.

Je ne peux pas vous expliquer mon amour pour les histoires et pour les gens. Un des architectes avec qui j’ai beaucoup travaillé et qui m’a beaucoup appris, me disait "il faut que tu racontes une histoire quand tu presentes un projet". La douceur de mon pays, le Portugal, croisée avec mon experience professionnelle en France et á l’international, aménent dans la vision de l’urbanisme, je dirais, une inteligence sensible qui trouve sa spécificité dans une des thématiques qui me passionne le plus et qui est le miroir des lieux où j ai pu intervenir : LA RUE !

Le partage de l’information et des connaissances ou des expériences acquises se révèle fondamental. Quand j’ai pu donner des cours à l’université en Éthiopie ou au Bangladesh, j’ai pu témoigner des résultats d’une extrême qualité dans les projets des étudiants. L’enseignement et la culture de la jeunesse dans les pays en développement sont d’une importance stratégique qui nous concerne tous. Ces jeunesses sont fières de leurs pays et c’est sur place, jour après jour, qu’ils pourront faire évoluer et progresser leurs territoires.

Les défis ont toujours été présents de génération en génération. Penser que notre problématique est unique c’est la rendre indissociable de sa propre solution. Au delà de la technologie il faudra garder et préserver notre capacité á imaginer, á communiquer et á penser l’espace et les espaces.

L’accès (enseignement, culture, santé, habitat, etc) et l’accessibilité partagés, adaptables et mutables nous mènent dans la voie de l’inventivité où les chemins jusqu'à aujourd’hui qui ont été tracés, sont à redessiner… tout est á construire!

Je finirais enfin par quelques photos des sites où j’ai pu intervenir et par un extrait du livre «LAS CLAVES DEL URBANISMO» d'Antonio Bonet Correa.

Photos site d intervention internationale de claudia dias

Quién es el urbanista?

" El ingeniero? El arquiteto? El funcionário de la administración? El politico o el sociólogo? He aqui unas interrogantes a las que se han dado distintas respuestas. Después el urbanismo moderno, Sitte y Le Corbusier consideran que «en el pleno del acto creador, arquitecto y urbanista son uno solo». Afirmación que nos remonta a Leon Battista Alberti. Después del nacimiento en el siglo XVIII del ingeniero, Paz Maroto en su tratado de urbanismo (1961) ofrece una defininición formulada poe el «Town Planning Institut»: «una mescla de ingeniero, arquitecto y topógrafo, con un barniz de conocimentos de derecho».

El que realiza la ciudad no debe olvidarse del pensamento expressado por Marís, la protagonista de Metropolis, filmada por Fritz Lang (1926) de que «entre la mente que planea y las manos que contruyen tiene que haber corazón»

El urbanista además de poseer la técnica debe tener un alto sentido ético y humano para que su créación urbana sea verdadeiramente útil, bella y beneficiosa al hombre. "


 

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