Ateliers atypiques #5 | Le collectif pour une ville réinventée

Par Le 15/01/2019

Urbanisme, collectif et innovation... À travers notre exploration d'ateliers dits atypiques, ayant fait de l'innovation en urbanisme leur marque de fabrique, nous avons notamment découvert d'autres manières de se réunir et de se structurer pour faire de l'urbanisme ensemble. Le Lavurb (laboratoire de la Vie Urbaine) et le collectif Point Virgule, deux rassemblements d'urbanistes récents, ont répondu, de concert, à l'appel de nos interviews.

Ils évoqueront l'utilité du rassemblement collectif pour repenser le fait urbain pour les uns, les zones d'activités économiques pour les autres. Un pour tous, tous pour la ville réinventée.

Lavurb | Ateliers atypiques #5 | Collectif

Lavurb | Laboratoire de la Vie Urbaine

Collectif de chercheurs et praticiens

 [Paris - Rennes - Reims]

Portraits Point Virgule 2019

Collectif Point Virgule

Urbanistes et architectes pour l'évolutivité des ZAE

[Paris 20è]

Atypique ou typique, vos parcours ? En quelques mots, vos cheminements professionnels et personnels avant l'agence ?

En préambule, on aimerait simplement que vous vous présentiez, vous, en tant que collectif pluriel lié à l'urbanisme.

Nous sommes un collectif – et ce mot a son importance car nous oeuvrons de manière horizontale, nous construisons ensemble notre projet : le Laboratoire de la vie urbaine (Lavurb). Notre collectif est atypique car constitué de six jeunes chercheurs & praticiens : Florian Guérin, Kaduna-Eve Demailly, Roxane de Flore, Charles Capelli, Quentin Lefèvre et Julie Roussel.

Nous sommes issus de formations académiques d’excellence en sciences humaines et sociales (thèses de doctorat avec une spécialité urbaine) et reconnus dans le champ académique (publications internationales et projets de recherche). L’idée était de regrouper des approches disciplinaires diversifiées (urbanisme, socio-anthropologie, psychologie environnementale, géographie, design) pour comprendre les phénomènes urbains dans leur complexité. Des enseignants-chercheurs de renom soutiennent officiellement notre démarche : Eric Le Breton (sociologue spécialiste des mobilités et des inégalités sociales), Jérôme Monnet (géographe spécialiste du commerce informel et des mobilités pédestres) et Catherine Deschamps (socio-anthropologue spécialiste des rapports sociaux de sexe et des temporalités urbaines).

Mais nous sommes aussi des experts ayant développé des réseaux professionnels à propos des mobilités pédestres, de la vie nocturne et festive, de l’agriculture urbaine et de l’urbanisme tactique. Cette expertise est reconnue auprès de collectivités territoriales (Agence de la Mobilité et DDCT de la Mairie de Paris, par exemple) que nous conseillons régulièrement pour la mise en place de politiques publiques.

Notre point commun est de centrer le regard sur l’usager, de comprendre ses modes de vie et de prendre en compte ses attentes à travers des techniques éprouvées scientifiquement. La diversité de nos membres assure une complémentarité de compétences et permet une flexibilité d’action, en invitant des artistes, des étudiants, etc. Le Lavurb œuvre ainsi pour une ville ouverte, dynamique et confortable.

Le collectif primant, nous nous proposons de répondre à cette interview de manière collective !

Nous nous sommes rencontrés au cours de la session 2016 des Ateliers de maîtrise d’œuvre urbaine de Cergy-Pontoise. Ces ateliers ont lieu chaque année pendant trois semaines, et réunissent étudiants et jeunes professionnels du monde entier autour d’une problématique urbaine. Nous étions alors participants au workshop, réunis autour du sujet “Dynamiques économiques, urbaines et emploi : quel avenir pour les zones d'activités ?”

À partir de là, les choses se sont faites assez naturellement : nous étions une dizaine de participants à vouloir prolonger la réflexion. Certains partenaires de l’atelier, dont Grand Paris Aménagement, l’EPFIF ou la Caisse des Dépôts et Consignations, Icade et Arep, ont eu la même envie d’approfondir les pistes proposées et nous ont commandé une nouvelle étude. Finalement, nous nous sommes lancés ensemble dans l’aventure, convaincus de se mesurer à un beau sujet d’urbanisme. C’est ainsi que l’association Point Virgule est née.

Atypique, votre atelier ?

Le temps est maintenant venu de présenter votre agence & l'activité atypique que vous portez au jour le jour.

Notre collectif – le Lavurb – est spécialisé dans la Maîtrise d’usage. Face à la Maîtrise d’ouvrage et à la Maîtrise d’œuvre, la Maîtrise d'usage est une posture qui nous permet de replacer l’usager au cœur de la réflexion urbaine. Cette posture implique de prendre en compte les besoins et les attentes des usagers dans le processus d’élaboration du projet urbain. De la sorte, les usagers peuvent s’approprier les projets urbains, les coûts sur le long terme sont maîtrisés du fait d’aménagements efficients et la confiance est redonnée envers les acteurs de la production urbaine. Pour élaborer des solutions d’intérêt général, l’idée est d’analyser les usages différenciés de la ville suivant les temporalités et groupes socio-culturels. C’est, pour les autorités urbaines, une autre manière d’organiser le programme des citadins, des services et des cycles urbains. Les citadins sont impliqués dans le débat public. Il s’agit de reconnaître l’expertise usagère pour construire un respect de chaque partie prenante, une citadinité, ainsi qu’une estime de soi, une communauté de valeurs, pour assurer un vivre-ensemble.

Nous intervenons au sein de quatre domaines :

  • Comprendre les modes de vie urbains différenciés selon les temporalités. Cela revient à étudier les transformations contemporaines des rapports sociaux (individualisation, différenciation sociale, réflexivité), du fait de la désynchronisation des rythmes sociaux entre eux et des temporalités urbaines. Nous actons que chacun possède une pluralité d’identifications à activer dans un monde social en réseau.

  • Analyser les usages et aménagements des espaces urbains. Il s’agit de dépasser la vision fonctionnaliste de l'aménagement et  technocratique de la gestion des espaces urbains. Pour cela, nous articulons cinq dimensions : matérialité physique (design urbain, aménagement urbain fixe et mobile, services publics et marchands...) ; hospitalité urbaine (sentiment de sécurité, identification aux autres, interactions, cadres de socialisation...) ; paysage urbain (sentiment de confort, ambiances, dimension sensible...) ; ordre urbain (légitimité des activités, normes, régulations...) ; mobilités urbaines (accessibilité physique et socio-économique).

  • Etudier les mobilités urbaines et autonomes. L’idée est de dépasser le paradigme de la fluidité et de l'hyper-mobilité, en s’intéressant au vécu et aux potentiels de mobilités. Les mobilités pédestres sont envisagées comme un mode de déplacement (flux, comptages, etc.) et une activité sociale labile (ludique, confort, etc.). Une prospective est effectuée sur les véhicules autonomes : intégration dans les smart-cities, intermodalité, services numériques...

  • Développer un regard réflexif sur l’action publique. Il s’agit d’analyser la transition des politiques publiques (sectorisation, logique top-down, centralisation, technocratie...) aux actions publiques (sphères de négociation entre une diversité d'acteurs, logique bottom-up). L’action publique permet alors de faire face à l'incertitude du contexte et des individus, en laissant des marges de manœuvre pour reconquérir la confiance. Nous prônons ainsi des innovations dans les manières de faire (chantiers urbains, budgets participatifs, Etats généraux, concertations citoyennes, etc.).

Notre atelier pourrait être atypique de par nos parcours personnels et professionnels très différents, il pourrait aussi l’être par l’originalité de ce sujet d’entrée que sont les Zones d’Activités Économiques et l’enjeu de les faire entrer dans l’urbanité. Mais nous réalisons de plus en plus que notre spécificité repose sur une démarche qui vise à décloisonner les domaines et les disciplines afin de faire évoluer les regards sur les territoires et de nourrir le projet urbain. Pour répondre à ces objectifs, nous agissons via 4 axes d’action : la réflexion prospective, des études et expérimentations concrètes, la sensibilisation et la contribution au débat d’idées.

Cette posture nous amène à réaliser différents travaux qui vont de la recherche ou communication graphique (cartographie, dessin, photographie) à la participation à des revues ou des colloques (rédaction d’articles, conférences) en passant par l’organisation d’événements (concours, expositions, visites, etc.).

Atelier Brainstorming_Collectif Point Virgule

Le collectif, en plein atelier brainstorming

La mise en commun de nos expériences et de nos savoir-faire, mais aussi notre capacité à monopoliser des compétences extérieures auprès de nos contacts nous permet de nourrir et d’enrichir une réflexion toujours plus large.

Une du livret   Une du livret   "Un nouveau regard sur les Zones d'Activités Economiques"Dynamiques économiques, urbaines et emploi : quel avenir pour les zones d'activités économiques du Nord Francilien ?" issu de la mission Post-Atelier de Cergy 2016  - Juin 2016

D'où est venue l'idée ? Quelles ont été les inspirations, l'élément clé qui vous a amenés à vous lancer ?

L'origine du projet, s'il y a eu un événement de vie ou un 'tilt' d'où tout est parti.

Le Lavurb est né – comme beaucoup d’innovations – d’un hasard heureux. Certains d’entre nous étaient déjà impliqués activement au sein de collectivités territoriales ou voyaient leur avenir tout tracé en leur sein. Cependant, ils pouvaient relever un certain nombre de problèmes de fonctionnement, du fait d’organisations très bureaucratiques constituées de membres surtout issus de l’ingénierie, proposant des solutions techniques inadaptées à des besoins sociaux. D’autres étaient impliqués plutôt dans la recherche et l’enseignement supérieur, avec un avenir incertain dans ce monde ultra-concurrentiel. Ils pouvaient d’ailleurs y expérimenter des manières de faire éloignées de leurs ambitions de départ : querelles de statuts, financements occultes, bureaucratie excessive, opportunisme, méfiance envers la recherche, etc.

Pour faire front à ces manières de faire, nous avons développé un laboratoire qui analyse de manière indépendante les phénomènes urbains, fonctionnant de manière flexible, sans enjeux de pouvoir hiérarchique ou d’intérêts politiques. L’idée est de coopérer, de fonctionner en interne à la manière dont nous appréhendons la ville : se centrer sur l’humain, assurer un être ensemble inclusif, dans un espace confortable et impulser des dynamiques en encourageant le développement d’idées et de projets.

L’atelier de Cergy nous a permis de dresser des constats assez forts sur la thématique proposée des zones d’activités. En Ile-de-France par exemple, les ZAE occupent 30% de l’espace urbanisé, pour une densité d’emploi très faible. Et les nouveaux projets en extension urbaine sont nombreux… Nous étions convaincus que l’enjeu de leur requalification allait prendre de plus en plus d’ampleur. Mais face à ces constats bien identifiés, il nous manquait des réponses et des leviers d’action.

Par ailleurs, l’étude à l’origine de notre création, commanditée par plusieurs acteurs de l’aménagement francilien, a confirmé notre intuition initiale : la requalification des zones d’activités commence à bousculer l’attention des décideurs et anime de manière croissante les débats parmi les professionnels.

L’accueil enthousiaste des acteurs concernés lors de la restitution de nos travaux à la Caisse des Dépôts et Consignations nous a motivés à poursuivre et développer nos projets avec le collectif.

Quelles sont les convictions que vous défendez ?

Les concepts clés qui vous tiennent à coeur, et pourquoi ces éléments méritent selon vous d'être au coeur de l'approche urbaine.

Le Lavurb agit pour une ville ouverte, dynamique et confortable. Pour défendre activement ces convictions, nous proposons des formations auprès de collectivités territoriales et d’entreprises, donnant des clés pour acquérir des savoirs et savoir-faire adaptés aux enjeux contemporains.

  • Une ville ouverte est une ville inclusive, hospitalière pour tous. Il s'agit de comprendre les formes d'exclusion / inclusion selon le milieu socio-économique et culturel des usagers. Cela amène à penser un espace public qui ne soit pas masculinisé et hétéronormatif (en référence à nos expériences personnelles de harcèlement sexuel, de rejet des homosexuels en cœur de ville la nuit, etc.) ; à penser des territoires en réseau au lieu des enclaves de difficultés sociales (que ce soient des milieux ruraux ou des cités d’habitat social) ; à permettre des formes de cohabitation pacifiées et des interactions qualitatives (au lieu du primat de l’anonymat). La démarche sociologique et anthropologique est inspirée des travaux de l'Ecole de Chicago.

  • Une ville dynamique est une ville attractive à diverses échelles. Il s'agit d'analyser les polarisations urbaines pour développer les territoires socio-économiquement. Cela implique d’analyser les rythmes socio-urbains pour optimiser les dynamiques territoriales selon les modes de vie et de repenser les potentiels de mobilités (face au retard des agendas d’accessibilité, aux enclaves territoriales peu desservies, etc.). La démarche implique des diagnostics urbains hybrides.

  • Une ville confortable est une ville aménagée pour permettre le développement de toutes les activités sociales. La focale est portée sur le design et la gestion des usages pour penser un espace urbain adapté selon les temporalités, un espace urbain plastique et ludique. Cela amène à repenser la circulation et l’appropriation pour permettre aux citadins une expression ouverte et partagée. La démarche est inspirée des travaux de J. Gehl et de W. F. Whyte.

La lutte contre l’étalement urbain et l’optimisation de l’existant sont des principes que nous portons fortement. D’ailleurs, en plus des quartiers résidentiels pavillonnaires, les zones d’activités ont contribué et contribuent encore largement à l’artificialisation des sols. Nous prônons également la mixité fonctionnelle, encore trop peu développée au sein des espaces productifs notamment. Il ne s’agit pas d’affaiblir la vocation économique de ces sites, mais d’insister sur leur capacité à proposer d’autres usages, à destination des salariés ou des résidents proches. Par exemple, sur le nord francilien, la plupart des Quartiers Prioritaires de la Ville, durement touchés par le chômage, sont mitoyens de zones d’activités, pourvoyeuses d’emplois. Aujourd’hui ces différents territoires sont totalement imperméables, et les zones d’activités peinent à favoriser l’emploi local.

Couverture artisanat_Collectif Point VirguleCouverture 'Artisanat', extrait de nos travaux

Couverture logistique_Point VirguleCouverture logistique, extrait de nos travaux

Nous sommes convaincus qu’avec une gouvernance appropriée, les zones d’activités pourraient devenir un levier local de mise en lien des territoires.

Les projets sur lesquels vous apportez votre expertise, innovez ?

À ce moment de l'entretien, il est temps de dégainer vos réalisations !

Les membres du Lavurb sont chacun forts d’une expérience au sein de projets reflétant les convictions que nous portons. Il en est ainsi, par exemple, de Florian Guérin qui fut le mandataire, en 2016-2017, de l’état des lieux du quartier « Paris Rive Gauche », à mi-parcours de son aménagement (commandité par le comité de concertation de la Semapa). L’enjeu était de comprendre le vécu et les représentations du quartier par ses divers usagers, la manière dont les fonctions urbaines et usagers cohabitent, la potentielle correspondance entre les aménagements réalisés (ou en cours) et les attentes des usagers.

A cette fin, une méthodologie hybride a été mise en place : diagnostic territorial, enquête auprès d’opérateurs économiques, marches exploratoires collectives, entretiens semi-directifs auprès d’usagers diversifiés, observation de la vie urbaine en des points-clés.

La nuit a Paris | Benoit Pacaud

La nuit à Paris, extrait des travaux de Benoit Pacaud croisant les enjeux et les usages de la vie urbaine nocturne

Il en est de même pour Quentin Lefèvre qui a – entre autres - coréalisé une étude (commanditée par Transdev) pour aménager un parking-relais en entrée de ville. L’objectif consistait au fait de transformer un espace monofonctionnel en un lieu habité, suite à une analyse fine des usages existants et projetés (observations, entretiens et programmation scénarisée).

Ux urban design | Benoit Pacaud

UX Urban Design et data, extrait des travaux de Benoit Pacaud . On y replace notamment "l'usage , au coeur de la conception".

Le Lavurb est une structure émergente qui permet d’articuler des compétences diversifiées pour réaliser des analyses rigoureuses. Créer un collectif permet de développer un regard complexe sur la vie urbaine, en articulant les temporalités du projet et les rythmes des citadins aux enjeux de la transition durable, de l’accessibilité socio-économique (dont pour les plus vulnérables), des mobilités, de la place de l’affect et de la démocratie participative. De la sorte, nous nous enrichissons sans cesse : deux architectes sont en passe de nous rejoindre, un bureau d’études spécialisé dans l’ancrage local des travailleurs d’une entreprise délocalisée souhaite s’engager dans des collaborations, etc., autant de manières de rester connecté au terrain pour construire une ville efficiente et qualitative.

Les premiers consistent en l’accompagnement des collectivités et des opérateurs urbains dans leur volonté d’améliorer les sites productifs, via des montages adaptés à chaque situation.

Les deuxièmes relèvent d’une démarche moins conventionnelle. Il s’agit de proposer de nouvelles solutions et des approches originales, à la manière d’un “agitateur d’idées”. Nous souhaitons ainsi initier une réflexion sensible sur les territoires et particulièrement sur les zones d’activités économiques et les formes urbaines et architecturales si particulières qui y sont associées, souvent décriées. Il est frappant de voir que ces espaces sont peu visibles dans le débat public, contrairement aux sites industriels par exemple, qui sont l’objet de très nombreuses réflexions, projets et même démarches artistiques et culturelles.

Couverture habitable_Point VirguleCouverture habitable, extrait de nos travaux

Les zones d’activités économiques en tant que telles restent quelque peu oubliées. C’est pour pallier ce manque de visibilité que nous avons organisé au printemps 2018 un concours photo ouvert à tous. Le projet ambitionne de construire un nouveau regard sur les ZAE, en quelque sorte à recueillir toutes les représentations possibles (artistiques, documentaires, sensibles…) sur ces espaces. Cent-dix-sept participants nous ont soumis leur candidature. Avec l’aide de nos partenaires (Caisse des Dépôts, PUCA et les revues Fisheye, Urbanités, Sur Mesure, Les Carnets du Paysage et Sillo) et d’un jury qualifié et éclectique, nous avons pu désigner trois lauréats, deux prix ex-aequo de Cerisy et deux mentions spéciales. Nous avons exposé une sélection de ces photographies à plusieurs reprises, notamment à l’occasion d’un colloque à Cerisy et nous préparons une exposition en 2019 à Paris.

Concours-photo ZAE 2018

Concours-photo 2018 "Regards sur les Zones d'Activités Economiques" issu de la mission Post-Atelier de Cergy 2016

Expo colloque de cerisy_ZAEExpo colloque de Cerisy

Les éléments qui vous inspirent aujourd'hui plus que tout dans votre pratique du métier, l'évolution de votre atelier ?

Au fil de l'évolution d'une entreprise, au fil des rencontres, des partenariats qui se nouent, à force d'être confrontées à la réalité du terrain, les idées demeurent mais le projet évolue. Quelles sont les inspirations et convictions qui sont venues en cours de route ?

L’inspiration est une question difficile, tant elle relève de multiples éléments. Nous sommes ainsi influencés par notre propre trajectoire biographique (notre milieu social, notre genre, etc.), nos expériences de vie et nos rencontres, ainsi que nos aspirations.

De la sorte, l’inspiration principale est la confrontation à l’altérité : sortir de sa zone de confort pour se remettre en question. Il peut tant s’agir d’une inspiration venant de milieux artistiques (des cultures de rues aux cultures dites légitimes), que de rencontres d’acteurs à l’opposé de notre vision ou de balades urbaines au sein de territoires que nous fréquentons peu habituellement.

Cela permet d’ouvrir le regard, de comprendre les décalages entre des groupes socio-culturels, notamment auprès des plus vulnérables : les sans-voix face aux autorités urbaines car rendus non légitimes pour s’exprimer. Or, ceux se considérant comme légitimes fabriquent une ville qui ne fonctionne pas : standardisée, embouteillée, excluante, etc. Il importe donc d’identifier ces variations pour fabriquer une ville adaptée, qualitative et humaine.

Ce qui nous pousse, c’est l’émulation qui se matérialise progressivement autour des zones d’activités. C’est comme une prise de conscience générale qui a mis trente ans à émerger. La question est également à l’agenda des récents appels à projets et concours internationaux, à l’image des éditions 2017 et 2019 d’EUROPAN sur la thématique de la ville productive.

Par ailleurs, le désir de transversalité et d’échanges que nous défendons dans notre travail est matérialisé par l’intérêt sincère manifesté par toutes les personnes avec qui nous avons la chance d’échanger ou de travailler.

Nous souhaiterions trouver un moyen d’intégrer ces points de vues, ces sensibilités, ces histoires collectées tout au long de notre recherche dans l’évolution de notre réflexion. L'exposition que nous souhaitons organiser au printemps 2019 en sera un premier jalon.

Le mot de la fin, l'élément que vous aimeriez transmettre par votre activité ?

L'élément à retenir de votre entretien. On vous laisse carte blanche.

Le type de projet que nous portons relève du politique. C’est la défense d’un point de vue démocratique – une réelle démocratie participative et non représentative.

Oeuvrons tous ensemble, de manière horizontale, en dépassant les controverses collectives, les contradictions horizontales et les statuts ou intérêts particuliers. Nous devons inventer de nouveaux modèles collectivement, pour l’avenir, en tant que citoyens.

S’amuser et expérimenter, c’est primordial. Il faut dire que nous sommes tous occupés par un travail à temps plein en plus du collectif. Point Virgule prend une place importante dans notre quotidien et il est important pour nous que ce soit une expérience à la fois enrichissante et plaisante.

Notre démarche collective est inédite et humaine, elle se construit au jour le jour. En deux ans, nous avons eu l’opportunité de rencontrer, d’échanger, de collaborer et de débattre avec un nombre important de personnes et d’organismes. Tous ont su nous écouter, réagir et nous faire avancer dans nos projets. Nous avons eu l’opportunité de voyager et de présenter nos idées et nos travaux dans plusieurs pays dont en Suisse lors du colloque #saturations Appropriation inventive et créative” à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et en Allemagne lors du “World Urban Congress #INTA42” à Rostock sur le thème “The hidden value of medium sized cities”. Nous avons eu la chance de monter des projets de manière indépendante et autonome tout en suscitant un intérêt grandissant.

Pour résumer, toutes ces rencontres et ces défis que nous nous sommes fixés nous ont permis de grandir et solidifier nos valeurs en tant que collectif et en tant que personnes. Nous espérons que notre démarche perdurera, et saura s’adapter aux enjeux de notre société, actuelle et à venir. Et nous espérons qu’elle contribuera à encourager d’autres personnes et d’autres collectifs à s’emparer de débats d’idées publiques.


 

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